Etude dialectométrique #1 : phonétique
Je suis en train de réaliser une étude dialectométrique en comparant 31 dialectes d’oc ainsi que le roussillonnais. Il y aura 5 parties : phonétique, morphologie, syntaxe, conjugaison, lexique.
Il s’agit d’un tableau à double entrée avec le pourcentage de similarité des dialectes deux à deux.
La partie 1 « phonétique » est faite. Elle se base sur 26 traits phonétiques.
Les résultats sont intéressants :
- Les couples de dialectes les plus similaires phonétiquement (à 92,3 %) sont : Pau/Montagne bigourdane ; Toulouse/Albigeois ; Toulouse/Narbonnais. Rien de très étonnant. Vient ensuite Nice/Provence maritime avec 90,4 % (ce qui n’est pas bon signe pour les partisans du niçard dialecte à part… mais pour l’instant on ne regarde que l’aspect phonétique).
- Les couples de dialectes les plus éloignés phonétiquement (à 34,6 %) sont : Limagne/Montagne bigourdane ; Limagne/Roussillon ; Limagne/Narbonnais ; Limagne/Montpelliérain ; Velay/Narbonnais ; sud Cantal/Grande Lande ; centre Corrèze/Grande Lande. Là c’est vraiment frappant, et ça va plaire aux sécessionnistes auvergnats (mais là encore, on n’est que sur l’aspect phonétique, donc prudence). Cela explique ma sensation d’étrangeté auditive quand j’entends parler en auvergnat des locuteurs naturels (phonétiquement, cela rappelle plus le francoprovençal que les parlers aquitains).
Mais à présent, tenez-vous bien : j’ai pris, pour chaque dialecte, l’ensemble des pourcentages de similarité et j’en ai calculé l’écart-type (σ). Plus il est petit, plus les valeurs sont groupées, plus le dialecte peut être considéré comme « central » au niveau phonétique, c’est-à-dire équitablement proche de chaque autre dialecte. Et c’est là que – je le répète, pour l’instant juste au niveau phonétique – le mythe de l’occitan central commence à vaciller.
En effet, les dialectes les plus centraux phonétiquement, sont, dans l’ordre :
- le bergeracois (σ = 7,05)
- le cévénol ( σ = 8,68)
Exactement les deux dialectes de transition tri-dialectaux par excellence ! (bergeracois = gascon/« languedocien »/limousin ; cévénol = languedocien/provençal/auvergnat)
Viennent ensuite : le provençal rhodanien (σ = 8,96), le haut-dauphinois (σ = 9,16), l’aurillacois (σ = 9,23) et… le catalan roussillonnais (σ = 9,46) !
A contrario, les moins centraux phonétiquement comprennent justement ceux que l’on veut imposer comme étant centraux, ce qu’ils sont certes géographiquement :
-le narbonnais (σ = 15,97)
-le bas-auvergnat de Limagne (σ = 15,83) (là, rien d’étonnant)
-le toulousain (σ = 15,10)
La suite au prochain épisode avec la partie 2 « morphologie »…
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Annexe : les traits étudiés
-j-, -a final, -a- atone, -a- tonique, -v-, -e-, -e final, pan, -c final, -r dans les substantifs, -r dans les infinitifs, -rr-/-r-, -l-, -h-, -ò-, -bl-, es- dans escòla, -cl-, -u-, -du-, -ns-, -ss-, -s + b-, -u- dans -ue-, -nn- dans annada, géminées. (J’avais oublié -ion mais je m’en suis aperçu à la fin, il aurait tout fallu refaire !)